C’était en octobre 2020 et devant les maux qui frappent leurs troupeaux, des dizaines d’éleveurs mettent en cause les ouvrages électriques installés près de leurs fermes. La justice a été saisie, et des expertises scientifiques lancées. aboutiront elles?

« J’aurais préféré ne jamais avoir à parler, tracer ma vie d’agriculteur et garder ma vie de famille. » Dans la bouche d’Alain Crouillebois, les mots sonnent dur. Ils évoquent la souffrance d’un combat de près d’une décennie. Celui d’un éleveur normand de soixante-dix vaches laitières installé depuis 1996 à La Baroche-sous-Lucé, aux environs de Domfront, dans l’Orne. « Jusqu’en 2011, tout allait bien, poursuit, désabusé, l’agriculteur de 53 ans. Puis mon troupeau a commencé à décliner. »

La production laitière se fait plus rare, les vaches souffrent d’infection des mamelles, les veaux maigrissent à vue d’œil. Pendant cinq ans, avec son vétérinaire, Alain Crouillebois remet en question l’alimentation de ses bêtes. En vain. Jusqu’à ce qu’il fasse le rapprochement : en 2011, le gestionnaire français du réseau de distribution d’électricité Enedis a enfoui une ligne à moyenne tension de 20 000 volts et installé un transformateur à 15 mètres de ses bâtiments d’élevage.

Courants parasites

« Quand je suis arrivé sur son exploitation, cette proximité m’a choqué », s’émeut Jean-Louis Belloche, le président de la chambre d’agriculture de l’Orne, qui a alors sollicité le Groupe permanent pour la sécurité électrique en milieu agricole (GPSE), association regroupant les chambres d’agriculture, les industriels de l’électricité et des télécommunications, pour réaliser une ­expertise.

Après de nombreux travaux et investigations sur d’éventuels dysfonctionnements au sein de la ferme, l’organisme pointe lui aussi les installations électriques, soupçonnées de propager des champs électromagnétiques et des courants parasites aux animaux. Las d’espérer des changements de la part d’Enedis, qui conclut ­finalement que tout est conforme, Alain Crouillebois fait déplacer la ligne à une centaine de mètres, à ses frais, en janvier 2019, « pour 62 000 euros ». Résultat : deux mois plus tard, l’état de son troupeau s’améliore nettement.

Article du « MONDE » par

Par Manon Boquen publié le 30 octobre 2020 dans le « Monde »